« Le petit a été exclusivement nourri par sa mère. Un homme l’a assommé. Il a tranché une artère et le sang a coulé. Il a enlevé les organes encore chauds. Le petit a été lavé, farci, rôti. Servi à notre table. Elles sont mon passé et mon avenir. Tu nous regardes et tu nous juges mais que sait-tu ? Dans le reflet du miroir et dans la vie, nous nous reproduisons à l’infini, chacune de nous finra encadrée sur le mur, et alors ? Tu te demandes si je lui offre de la tendresse ou si je vais lui tordre le cou, tu ignores tout de nous. Tu te demandes laquelle parmi nous a hachuré la gueule du patriarche. Et si c’était lui ? S’il avait choisi de nous enfermer, à ce point-là, dans un gribouillage violent. Et si c’était moi ? Pour survivre, par exemple. Hachurer le vieux pour ouvrir une fenêtre dans ma jeunesse, autre chose que ce miroir cruel. En finir avec son regard à lui. Nos assiettes sont déjà remplies. La mienne m’attend. Je n’ai pas faim de leurs déchets, je ne mangerai pas non plus le petit que seule sa mère a nourri. Tu nous regardes ? Non. C’est moi qui te regarde. Et ma mère croit qu’elle rit. » – E.Kavian.

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